Un pommier écrit ses mémoires.

[maloute45]

A l'époque où j'ai écrit ce texte, j'ai été aider par mon Papa, car les arbres fruitiers et moi,
en ce temps là ça faisait deux ...
Cette rédaction m'a valu 18/20 , mention très bien !

UN POMMIER ECRIT SES MEMOIRES



Pommier « Belle de Boskoop et son fruit».

Mon origine :

L'arrière saison, la nourriture destinée à nos oiseaux indigènes s'amenuise de
jour en jour.

Un Geai avait quitté l'orée du bois pour se rapprocher de nos habitations...houppette dressée.
Dans une pomme blette, il me découvre sous forme de pépin.
Il m'engloutit goulûment..
Le lendemain, il revient explorer le fond de mon jardin..
.Dans un coin, il dépose sa carte de visite, au milieu, ma minuscule présence !
Cette opération effectuée "incognito" déterminera le lieu de ma naissance.


Geai des chênes (Garrulus glandarius)

L'hiver impose sa prise, les intempéries m'obligent à pénétrer dans le sol.

Mon éclosion :

Incité par les premiers rayons tièdes du renouveau, je me suis enraciné solidement avant de germer.
Une situation privilégiée : un terroir fertilisé par un transporteur ailé.
L'éclosion n'à pas tardé.

Ma prime jeunesse :

Après six mois, j'avais grandi de cinquante centimètres, ainsi j'étais armé pour résister aux
arcanes de l'hiver.

Dès le printemps suivant, je me suis épanoui à vue d'oeil...pour atteindre la taille de un mètre
cinquante à la fin du beau temps.

Le second hiver m'a mis au repos.

Après ce sommeil forcé, comme j'étais un sujet vigoureux et cependant sans carte
d'origine, mon propriétaire m'a tuteuré, étêté et greffé avec une variété de pommes
sélectionnée par "*un ingénieur agronome de Gembloux".

Opération terminée, on me versa un seau d'eau au pied...c'était le jour du baptême !
Au registre, un nom attirant : "La Belle de Boskoop".

Trois semaines après, les premiers bourgeons s'éveillent.
La reprise est assurée.

Ma jeunesse :

Et c'est ainsi, en symbiose, que nous nous sommes développés à vue d'oeil : moi,
sauvageon, je fournissais la sève pour la croissance, le greffon (ou le scion), réceptacle
destiné à se développer en immense couronne écologique gonflant la nature et son créateur.

A remarquer cependant qu'une bonne taille s'impose.
En principe, tout arbre fruitier doit épouser plus ou moins la forme du fruit qu'il porte.
Ainsi, moi pommier, j'avais acquis la forme d'une grosse pomme à croquer.

A l'âge de dix ans, j'étais un sujet à haute tige.
On venait cueillir quelques paniers de pommes imprégnées du caractère exact du fruit
sollicité, "La Belle de Boskoop", telle qu'elle est représentée dans le catalogue "**Gonthier".

Les saisons se suivent...
La taille annuelle n'est jamais oubliée.
Le tronc gratté et chaulé...m'a gratifié d'une écorce lisse et saine, exempte de nodosités, de
mousse et de lichen.


Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula)

Adulte :

Fin de la vingtième année, grand-père était fier de son oeuvre arboricole.
En toutes saisons, des divertissements accumulés.

Au printemps, on pouvait admirer un bouquet blanc rosé d'une fraîcheur enivrante.

Un couple de Bouvreuils, en voyage de noce, venait se régaler aux premiers bourgeons
tendres...en surnombre !
Faim assouvie, le mâle disparaissait suivi de sa fidèle compagne pour s'assurer un petit
dessert sur une table voisine...

Après ces visiteurs de marque, deux Késanges avec leur souplesse innée se faufilaient dans
les branches pour dépister quantité de pucerons, les "vaches à lait" des petites fourmis.

Voici un rayon de soleil fort engageant !

Magnétisées par ce grand déploiement de charme, les Abeilles butineuses sont sur la piste.
Une orchestration bourdonnante sur ce bouquet publicitaire écologique !
Que de pollinisations gratuites !,du nectar en récompense.
Le nectar floral, comme dit ma grand-mère, c'est le petit verre qu'on offre au facteur pour le
récompenser de sa visite (et de nous remettre notre mandat, le jour de la pension!) mdr

A l'effacement des pétales, les feuilles suivent le cortège.
Un camouflage assuré.


Couple de Chardonnerets (Carduelis carduelis)

Bien vite, un couple de Chardonnerets réquisitionne ce biotope dont le calme paraît assuré.
Dans cet hôtel de verdure, les deux époux se mettent à construire un tout petit nid lové de
mousse, de lichen, de plumes et de poils.

Un habitacle invisible pour l'oeil d'un profane.
Achevé, ce petit berceau suit les mouvements d'une branche flexible inaccessible.
Un défi lancé aux chats de gouttières.

En hiver :


Etourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) & Couple de Moineaux domestiques (Passer domesticus)


Quand tout l'environnement affiche disette, les oiseaux, comme les humains, se
rassemblent, s'unissent pour conjuguer leurs efforts afin de lutter ensemble contre les
impondérables de la période cruciale.

Voici nos visiteurs saisonniers.
Un Sansonnet et un couple de Moineaux.
Coude à coude, juchés sur une branche flexible d'un pommier voisin.

Au-dessus de la tête des affamés, une baguette magique se balance pour donner le départ
d'une orchestration bafouées de fausses notes...

Qu'importe ! un coeur de Coluche a des palpitations généreuses.
Une assiette bien garnie est glissée sous un abri de fortune.

Pas de ségrégations !,tous les oiseaux, sans exception, sont des animateurs de la nature.
Tous ont un rôle à jouer dans ce grouillement toujours plus dense et plus animé qui englobe
notre planète.


Sitelle torchepot (Sitta europaea)

Deux Sitelles s'amusent à "ficeler" le tronc jusqu'à l'extrémité de la branche maitresse.
Elles redescendent tête en bas sans le moindre vertige.
Quelle acrobatie !!!

Mes branches recouvertes de neige ressemblent à de grands bras qui montent et descendent
au moindre vent pour capter les regards des humains qui frissonnent derrière leur double
vitrage.

Après ce manège prestigieux de grimpeurs, une Pie vient se brancher sur ma tête chauve.
Elle se met à bavarder ; langage incompréhensible ! de l'espéranto ?
Nous le demanderons à un polyglotte ornithologue.

Que de beaux fruits en automne !
Echelles dressées...et les claies se garnissent pour tout l'hiver.

Dans un fauteuil confortable, mes propriétaires croquaient la pomme devant l'écran de la TV
pour rendre les émissions un peu plus digestes...

3e et 4e âges :

Soixante cinq ans ! Les récoltes diminuent d'année en année.

Quatre vingt ans, nonante ans, cent ans !

Le déclin s'affirme toujours lentement mais sûrement.


Pic épeiche (Dendrocopos major)

Un Pic épeiche, nouveau client, avait câblé mes destructeurs : xylophages, fourmis et autres
parasites.
Régulièrement, il venait me débarrasser de ces bestioles indésirables.

Devenu centenaire, chétif et croulant, on décide de me supprimer.

Les Hirondelles sillonnent en piaillant à travers le ciel pour annoncer à tous les acteurs ailés
la triste nouvelle.

Conclusions :

La vie des plantes, des arbres, des oiseaux...n'a-t-elle pas une similitude avec celle des hommes ?

Vous venez de vivre des histoires d'amour entre l'homme, l'arbre, la fleur, l'insecte et
l'oiseau...des êtres vivants avec leurs interrelations complexes pour assurer la prolifération
et la sérénité triomphante de la nature.
Soyons et restons toujours attentifs à cette continuité qui, hélas, subit journellement des
accrochages un peu trop monétisés.

m@loute45

(*) Ecole d'Agriculture de Gembloux, province de Namur.

(**) Pépiniériste réputé par sa vente par correspondance (Etablissement Gonthier).

[DESPI]

Superbe article! Merci Maloute.

[mincheneaujack]

avec cet article on en a pris plein la pomme ,merci LEON

[maloute45]

Envoyé par mincheneau jack (Voir le message) avec cet article on en a pris plein la pomme ,merci LEON

Saveurs aux choix, tu m'excusera Jack, mais je n'ai pu m'empêcher de mordre dans la rouge...
d'ailleurs tu peut t'en rendre compte, ça l'amuse .

[exotic]

slt, belle plume pour cet article Léon ...