Nouvelles espèces de Tyrans et de Colibris

[maloute45]

Reconnaissance de plusieurs nouvelles espèces de tyrans et de colibris

Le Colibri casqué et le Tyran siffleur ont chacun été "divisés"en quatre espèces.


Le Tyran siffleur (Sirystes sibilator) a été "divisé" en quatre espèces.
Photographie : Hector Bottai / Wikimedia Commons

La taxonomie est la branche de la biologie qui a pour objet de décrire les organismes vivants,
de les regrouper en entités appelées taxa (taxons) afin de les identifier, puis les nommer et
les classer.
Pour cela, les chercheurs se basent sur des critères morphologiques, anatomiques, sonores,
biologiques, écologiques et désormais également génétiques et moléculaires.
Au cours des dernières années, les progrès de la génomique et de l'acoustique (grâce aux
technologies numériques) ont conduit à la reconnaissance de nombreuses nouvelles espèces
et sous-espèces, notamment d'oiseaux.

C'est notamment le cas en Amérique tropicale.
Dans le numéro 19 de la revue Conservación Colombiana de l'association Proaves publiée en
octobre 2013, plusieurs nouvelles espèces de tyrans et de colibris ont ainsi été reconnues : à
partir de critères morphologiques, sonores et biogéographiques, le Colibri casqué (Oxypogon
guerinii) et le Tyran siffleur (Sirystes sibilator) ont été "divisés" en quatre espèces chacun.

Le Colibri casqué a été "divisé" en quatre espèces

Aires de répartition des quatre "nouvelles" espèces du genre Oxypogon : (A) Colibri à barbe
bleue (Oxypogon cyanolaemus), (b) Colibri à barbe blanche (Oxypogon lindenii), (C) Colibri à
barbe verte (O. guerinii), (D) Colibri chamois (O. stubelii).
Carte : Ornithomedia.com

Le Colibri casqué (Oxypogon guerinii) est le seul représentant du genre Oxypogon depuis près
de 70 ans.
Le mâle doit son nom à sa crête distinctive et à sa petite "barbe" hirsute.
Il vit en Colombie et au Venezuela dans les zones montagneuses (páramo, subpáramo, forêt
nébuleuse) entre 3 200 et 5 200 mètres d'altitude.
Quatre sous-espèces ont été décrites : Oxypogon guerinii cyanolaemus dans la Sierra Nevada
de Santa Marta en Colombie , Oxypogon g. lindenii dans les Andes vénézuéliennes, Oxypogon
g. guerinii dans la Cordillère orientale en Colombie au sud de Cundinamarca, et O. g. stubelii
dans la Cordillère centrale en Colombie.

Elles étaient considérées comme des espèces distinctes au 19ème siècle, mais elles ont été
reléguées au rang de sous-espèces par Peters en 1945.
Les mâles de chaque sous-espèce diffèrent de ceux des trois autres par la couleur et la
longueur de leur crête, par les couleurs de leur "barbe", des côtés de leur couronne et des
parties inférieures, et par la répartition du blanc (ou du chamois pour O. g. stubelii) sur leur
queue.

Il existe aussi des différences dans la longueur du bec, de la crête, de la queue et/ou des
ailes.
Il y a peu d'enregistrements de ces oiseaux, mais l'étude des sons disponibles a montré
l'existence de différences entre les cris de guerinii et de stubelii.
À partir de données biométriques, vocales et géographiques, les ornithologues Nigel J. Collar
et Paul Salaman ont suggéré dans un article publié en 2013 dans le numéro 19 de la revue
Conservación Colombiana de distinguer les quatre espèces suivantes (il s'agit de traductions
littérales des noms anglais proposés car il n'existe pas encore de noms français officiels) :
◾le Colibri à barbe bleue ("Blue-bearded Helmetcrest") (Oxypogon cyanolaemus), présent
dans la Sierra Nevada de Santa Marta;
◾le Colibri à barbe blanche ("White-bearded Helmetcrest") (Oxypogon lindenii) dans les
Andes vénézuéliennes;
◾le Colibri à barbe verte ("Green-bearded Helmetcrest") (O. guerinii) dans la Cordillère
orientale en Colombie;
◾le Colibri chamois ("Buffy Helmetcrest") (O. stubelii) dans la Cordillère centrale en
Colombie.

En 1918, C. B. Cory avait proposé de les nommer respectivement Colibris à
barbe bleue, de Linden, de Guérin et de Stübel.
Ces recommandations ont été acceptées par le South American Classification Committee
(SACC), l'International Ornithological Congress (IOC) et BirdLife International / IUCN.
Le Colibri à barbe bleue est rarissime et pourrait avoir déjà disparu : en effet, la dernière
donnée confirmée date de 1946.
Il vit dans les buissons du páramo de la Sierra nevada de Santa Marta, un habitat très
menacé par le pâturage et les coupes de bois.
O. stubelii n'est présent que dans le parc national de Los Nevados, où il est toutefois bien
protégé.
Les deux autres espèces sont moins rares et leur aire de répartition est plus vaste.


Colibri à barbe blanche (Oxypogon lindenii), Pico Águila, état de Mérida State (Venezuela).
Photographie : Peter Boesman / The Internet Bird Collection


Colibri chamois (O. stubelii), Parque Nacional Natural Los Nevados (Colombie).
Photographie : Oswaldo Cortes - Bogota Birding / Sa galerie sur Flickr

Le Tyran siffleur a aussi été divisé en quatre espèces


Aires de répartition des quatre espèces du genre Sirystes : (A) Tyran occidental (Sirystes
albogriseus), (b) Tyran à croupion blanc (S. albocinereus), (C) Tyran de Todd
(S. subcanescens) , (D) Tyran oriental (S. sibilator).
Carte : Ornithomedia.com d'après M. McMullan

Le genre Sirytes a longtemps été composé d'une seule espèce, le Tyran siffleur (Sirystes
sibilator), lui-même comprenant cinq sous-espèces (y compris la sous-espèce nominale) :
◾S. a. sibilator et S. a. atimastus de l'état brésilien du Pará au nord de l'Argentine et à l'est
du Paraguay;
◾S. a. albogriseus le long du Pacifique au Panama, en Colombie et en Équateur;
◾S. a. albocinereus en Amazonie occidentale (Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou,
Bolivie, ouest des états brésiliens d'Amazonas et d'Acre);
◾S. a. subcanescens en Amazonie septentrionale (états brésiliens d'Amazonas, du Pará et
d'Amapá, Guyane française, Guyana).

Il existe des différences de plumage entre ces sous-espèces :

◾S. a. albogriseus possède deux larges barres alaires blanches, ses ailes
sont bordées de blanc au niveau du poignet, l'extrémité de la queue et le croupion sont
blancs, et les parties inférieures sont grises;
◾S. a. albocinereus et S. a. subcanescens ont les parties inférieures blanchâtres, la gorge
striée de blanc ou de beige, les ailes sans trace de blanc sauf au niveau des plumes du vol
(tertiaires surtout), et le croupion blanc;
◾S. a. sibilator et S. a. atimastus ont le dessus strié de noir et les couvertures alaires bordées
de gris.

Il y a aussi des différences dans leur répertoire vocal (qui peut être composé de sifflements,
de notes plus ou moins descendantes, de gazouillis...) : par exemple, S. a. albogriseus émet
des notes courtes répétées et ne siffle pas , S. a. sibilator et S. a. atimastus gazouillent mais
ne sifflent pas comme les sous-espèces amazoniennes, et la structure des sifflements des
sous-espèces du nord et de l'ouest du bassin amazonien est distincte .

L'aire de répartition d’albogriseus est bien distincte de celle des autres sous-espèces, mais
par contre les limites entre les zones de distribution des autres sont moins claires.
Le fleuve Amazone pourrait constituer une barrière géographique entre subcanescens et
sibilator/atimastus, mais les frontières des aires d’albocinereus et de subcanescens ne sont
pas évidentes.
Les données les plus septentrionales de sibilator ont été collectées dans le nord du Mato
Grosso et dans le sud-est du Pará, et cette population pourrait être partiellement migratrice.



Tyran occidental (Sirystes albogriseus), El Valle, Bahía Solano, département de Choco
(Colombie).
Photographie : Nick Athanas / The Internet Bird Collection

A partir de différentes particularités morphologiques, sonores et biogéographiques, Thomas
Donegan a proposé dans le numéro 19 de la revue Conservación Colombiana de distinguer
les quatre espèces suivantes (il s'agit de traductions littérales des noms anglais proposés car
il n'existe pas encore de noms français officiels) :
◾le Tyran occidental ("Western Sirystes") (Sirystes albogriseus) présent dans l'est du
Panama, dans l'ouest de la Colombie et dans le nord-ouest de l'Équateur;
◾le Tyran à croupion blanc ("White-rumped Sirystes") (S. albocinereus) dans la partie
supérieure du bassin amazonien (Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou, Brésil et Bolivie);
◾le Tyran de Todd ("Todd's Sirystes") (S. subcanescens) sur le plateau des Guyanes et dans
la partie inférieure du bassin amazonien (au nord de l'Amazone, Guyane française, Guyana);
◾le Tyran sibilant ("Sibilant Sirystes") (S. sibilator) dans la région atlantique du Brésil, dans
le nord-est du Paraguay et dans le nord-est de l'Argentine.
On reconnaît une sous-espèce, S. sibilator atimastus.

Les Tyrans à croupion blanc, de Todd et sibilant, trois espèces allopatriques
(= sans échanges génétiques entre elles) aux répertoires vocaux distincts, feraient partie du
Tyran oriental ("Eastern Sirystes"), une "super-espèce" (= un ensemble constitué d'au moins
deux espèces très proches ayant récemment divergé d'un ancêtre commun).
Le South American Classification Committee (SACC) et l'International Ornithological
Congress (IOC) ont approuvé ces propositions.

Des études génétiques et moléculaires seraient nécessaires pour déterminer la date de la
divergence entre Sirystes albogriseus et les espèces vivant à l'est des Andes et les niveaux
de proximité respectifs entre S. subcanescens et S. sibilator et entre S. albocinereus et S.
subcanescens, dont les plumages sont proches et qui se distinguent donc essentiellement par
la voix.

Une conséquence pour la Colombie

La Colombie est le pays qui compte le plus d'espèces d'oiseaux dans le
monde , et suite à la reconnaissance de ces nouvelles espèces dont cinq sont présentes
dans le pays, la liste nationale vient encore de s'allonger : elle atteint désormais le chiffre
remarquable de 1.903.