Phénomène météorologiques désastreux

[maloute45]

Les effets désastreux de deux tempêtes sur deux colonies de Mouettes blanches

Deux colonies ont été dévastées en 2009 et en 2011 dans le nord-est du Groenland.




Mouette blanche (Pagophila eburnea) paradant, archipel du Svalbard (Norvège), juillet 2014.
Photographie : Marc Fasol

La Mouette blanche ou ivoire (Pagophila eburnea) est une espèce du Haut-Arctique au
plumage entièrement blanc, au bec jaunâtre à base plus claire et aux pattes noires.
Le juvénile et l’oiseau de premier hiver ont la face noirâtre et de petites tâches noirâtres.
Elle est rarissime en Europe de l'Ouest, mais plusieurs oiseaux avaient été observés en
janvier 2009 .

La Mouette blanche est en déclin dans son aire de reproduction, avec par exemple une
diminution de 80 % de la population canadienne depuis les années 1980 , l'évolution du
climat arctique étant l'une des causes possibles, avec la contamination de la chaîne
alimentaire par le mercure et plusieurs éléments chimiques organiques : depuis vingt ans, les
températures y augmentent en moyenne deux fois plus vite qu'ailleurs dans le monde, et la
surface de la banquise régresse à une vitesse impressionnante.
Les phénomènes météorologiques violents, accompagnés de fortes précipitations, y sont plus
fréquents, ce qui affecte plusieurs espèces (baisse de l'accessibilité et de l'abondance des
ressources alimentaires, mortalité plus élevée, succès moindre de la reproduction).
Durant l’été boréal, les chutes de neige ont diminué et les pluies sont plus abondantes, ce qui
affecte directement les juvéniles.

Des biologistes ont publié en 2014 dans la revue "Polar Research" une note sur les impacts de
deux tempêtes sur le succès de la reproduction de deux colonies de Mouettes blanches à
Amdrup Land (96 nids en 2009) et Station Nord (50 nids en 2011), dans le nord-est du
Groenland.
Cette espèce pond habituellement deux oeufs, les deux parents les couvent durant 24 à 26
jours, les petits naissent à la mi-juillet dans le nord du Groenland et ils s'envolent 30 à 35
jours plus tard.

Ces deux colonies ont été visitées durant la période de naissance des poussins, à quatre
occasions entre le 25 juillet et le 1er août 2009 pour celle d'Amdrup Land et à deux occasions
le 4 juillet et le 9 juillet 2011 pour celle de Station Nord.
Le 28 juillet 2009, une tempête accompagnée de fortes pluies a touché la colonie d'Amdrup
Land durant plusieurs heures : le 31 juillet, il ne restait plus que deux poussins vivants,
abandonnés et cachés dans des crevasses, 36 carcasses de petits ont été trouvées, et tous
les oeufs étaient brisés.
L'échec de la reproduction était donc total.
Du 5 au 8 juillet 2011, de fortes pluies mêlées de neige ont touché la région de Station Nord :
une visite le 9 juillet a permis de constater que tous les nids avaient été abandonnés, et
aucun oeuf ou poussin n'a été trouvé.

Ces deux phénomènes météorologiques ont donc eu des effets désastreux sur la reproduction
de l'espèce, même si les adultes semblent avoir été épargnés.
Les deux colonies n'ont pas a priori été pillées par des prédateurs, et il probable que ce sont
les parents qui ont mangé leurs petits et leurs oeufs.
Les juvéniles sont très sensibles aux épisodes froids et humides car leur plumage est moins
imperméable, et les Mouettes blanches n'étaient plus capables de les protéger.
Du fait du réchauffement climatique, ces orages estivaux risquent d'être de plus en plus
fréquents dans l’Arctique : cette espèce va-t-elle réussir à s'adapter à cette nouvelle donne ?

Source

Glenn Yannic, Adrian Aebischer, Brigitte Sabard et Olivier Gilg (2014).
Complete breeding failures in ivory gull following unusual rainy storms in North Greenland
. Polar Research (33).
http://www.polarresearch.net/index.p...cle/view/22749